Un arbre meurt,
Une bougie s'allume,
Les héros s'avancent.
Un verre se vide,
Les lames chantent,
L'aigreur se dévoile.
La charge résonne,
La justice coule,
Les héros boivent.
Aux confins de la vallée de la rivière Fen, au cœur du
Zhao (l'un des royaumes, connu pour ses chevaux), se trouve le village de
Li Hua (Fleur de Poire), réputé pour son
li jiu (eau-de-vie de poire), alcool rare et raffiné, qui pourrait dit-on "faire oublier l'ombre sous le poirier". Par une matinée ensoleillée du
Jingzhe ("l'Eveil des insectes", la troisième période du calendrier lunaire, au printemps), le temple en l'honneur de la déesse protectrice locale Ai Jie
(Bonne Maman) était empli d'une activité inhabituelle ; en effet, presque tous les habitants étaient là pour lui demander d'apaiser son courroux et permettre aux poiriers de repartir. Le moine recueillait ainsi les nombreuses offrandes et récitait des prières.
Au coeur de l'heure du Dragon
(8h00), arriva un premier étranger vêtu d'amples vêtements rouges, portant un chapeau d'une largeur excessive masquant par moments son regard, et muni dans son dos d'un gigantesque éventail proclamant : "La Justice Vaincra". Il flânait sur la place du village, discutant avec quelques paysans, et apprit ainsi que les poiriers qui étaient en fleurs avaient dépéri brutalement, compromettant la prochaine récolte.
Au milieu de l'heure du Serpent
(10h00), un autre visiteur s'avança sur la place, vêtu d'un habit à manches courtes marron aux innombrables poches, les clous et outils accrochés à sa ceinture indiquant clairement son métier d'artisan ; une curieuse scie complétait son arsenal. Lui aussi se renseigna un peu et assista à la cérémonie.
Au début de l'heure du Cheval
(11h00), arrivèrent enfin deux autres voyageurs, qui se mêlèrent aussitôt aux activités. La première était habillée d'un classique kimono, et malgré sa jeunesse, démontra tout de suite des talents culinaires en installant un étal de crêpes qui eut un franc succès, bien placé à la sortie du temple. Découpant les ingrédients avec des hachoirs qui auraient pu être des
dao (épée courte), elle fit preuve d'une grande dextérité, seulement mise en difficulté quand l'artisan paya ses crêpes en projetant sa pièce d'un mouvement extraordinaire ; essayant de l'attraper avec une cuillère, la cuisinière ne fit que l'envoyer plus loin.
Le dernier étranger, portant d'amples vêtements bleus, s'installa juste à côté et entama une danse dont la grâce et le rythme captivèrent bientôt tous les spectateurs, la prière étant même suspendue un instant devant tant de maîtrise et de beauté.
Alors que les gens finissaient leur repas, à l'heure de la Chèvre
(13h00), un enfant arriva en courant, complètement affolé, en criant : "Au feu !!!". La cloche signalant les incendies retentit alors, et un épais nuage de fumée noire s'éleva dans le ciel, au-dessus de la bibliothèque. Réagissant immédiatement, l'artisan et l'homme à l'éventail se ruèrent vers le bâtiment en flammes, se déplaçant par bonds aussi rapidement qu'un cheval au galop. La cuisinière se saisit promptement d'une carapace de tortue qui servait d'offrande, et en fit un seau tout en se précipitant elle aussi vers l'incendie, à une vitesse phénoménale. Les autres coururent aussi vite qu'ils le pouvaient.
Des cris perçaient à travers les flammes, et l'artisan s'y lança aussitôt en défonçant un mur, se réceptionnant sur les planches cassées. L'homme à l'éventail fut à l'intérieur en un instant après un saut vrillé à travers une fenêtre, et ils commencèrent à évacuer les personnes bloquées dans l'incendie, la cuisinière essayant d'éteindre le feu bien avant que les habitants ne mettent en place une chaîne de seaux d'eau. Le danseur n'hésita pas à courir dans le bâtiment pour sauver les parchemins, qui avaient l'air particulièrement importants pour les villageois. Une fois tous les gens sauvés, l'artisan se propulsa à l'étage et commença à lancer une pluie de parchemins par la fenêtre, réceptionnés avec une adresse exceptionnelle dans son chapeau par l'homme à l'éventail. Au dernier moment, alors que le bâtiment allait s'écrouler, l'artisan sortit d'un bond.
Considérés comme des sauveurs, les quatre étrangers furent invités à partager le souper de
Shu Ying (Arbre Fleuri), le chef du village. Après une après-midi passée à flâner, dorer au Soleil ou séduire les filles du village, ils se retrouvèrent à l'heure du Chien
(19h00) à la table de Shu Ying, le danseur arrivant curieusement à cloche-pied. La servante apporta de la viande
(très cher, uniquement pour les grandes occasions), et ils burent bien sûr de l'alcool de poire. L'homme à l'éventail se présenta comme
Jin, de passage dans ces contrées ; l'artisan
Oli Pang confirma qu'il était bien charpentier, descendu des montagnes voisines ; le danseur demanda à ce qu'on l'appelle simplement
Chang ; et la mignonne cuisinière révéla qu'elle s'appelait
Weng Mai.
Shu Ying commença par les remercier pour avoir sauvé des villageois et évacué les précieux parchemins contenant les recettes locales, vantant leur courage extraordinaire, leurs capacités exceptionnelles et leur générosité sans limite. Puis, il leur précisa la situation : les poiriers avaient mystérieusement dépéri en moins de deux jours, et ils n'avaient rien pu faire malgré les efforts de
Ren Yao, l'homme-médecine du village. Avec l'incendie, cela faisait deux coups durs qui s'abattaient sur Li Hua en trois jours : cela faisait trop pour une simple coïncidence, selon Shu Ying. Après avoir insisté sur l'absence de héros dans le village, sur la difficulté de trouver des gens courageux ou sur la bonté dont ses invités avaient fait preuve, la servante se mit à pleurer, se demandant comment le village allait pouvoir s'en sortir, et les quatre étrangers acceptèrent de venir en aide aux villageois.
Ils commencèrent par aller voir l'homme-médecine juste après le repas, à l'heure du Cochon
(21h00), se déplaçant à cloche-pied pour Chang. Celui-ci les reçut dans sa cabane dans la forêt aux abords du village, encombrée de nombreux appareils mystérieux dans lesquels chauffaient d'étranges liquides. Il leur demanda d'attendre la fin d'une de ses expériences en cours sur la sève des poiriers. Il finit par se retourner vers eux, l'air grave, expliquant que le vert du liquide qu'il leur montrait prouvait l'utilisation de venin de serpent. Comme le faisait judicieusement remarquer Oli Pang, peu de gens savent réaliser de tels mélanges ; dans la région, seul
Wu Yin Lao, alchimiste du village voisin, en serait capable. Le village voisin, qui produit aussi un alcool de poire, mais moins réputé. Il n'en fallut pas plus pour convaincre Chang et Weng Mai d'aller chez Wu Yin Lao aussitôt, en pleine nuit, Oli Pang et Jin estimants que cela pouvait attendre la nuit suivante.
Chang et Weng Mai partir très rapidement à travers la forêt, ombres furtives dans la nuit.
Alors que Jin et Oli Pang dormaient à l'auberge Yue Re
(l'Ombre Chaleureuse), ils furent réveillés par un cri de femme provenant de la demeure de Shu Ying. S'y rendant à une vitesse folle, Jin bondissant de toit en toit, ils furent les premiers à arriver sur les lieux. La servante venait d'entrevoir un homme en noir de la tête aux pieds s'enfuir avec des parchemins renfermant les secrets de la famille Shu. Aussitôt, Oli Pang et Jin foncèrent comme l'éclair dans la direction indiquée, vers la forêt.
Pendant ce temps, Chang et Weng Mai étaient arrivés à la demeure de Wu Yin Lao, qui se distinguait par sa cheminée. S'approchant comme des ombres, ils virent de la lumière à travers les volets, et entendirent les bribes d'une discussion entre deux hommes, qui semblaient attendre le retour de quelqu'un. L'un des deux se fendit à un moment d'un rire particulièrement méchant. Bientôt, deux hommes tout de noir vêtus arrivèrent, suivis peu après par Oli Pang parmi les buissons et Jin à la cime des arbres. Chang leur envoya une pierre portant un message expliquant la situation, et les quatre héros se réunirent, Oli Pang marchant sur les herbes pour ne pas être repéré.
Mettant rapidement un plan au point, ils se préparèrent à passer à l'action. Weng Mai monta sur le toit près de la cheminée ; Chang se plaça en face d'une fenêtre ; Oli Pang rassembla des branches et en fit deux tas sous des fenêtres adjacentes, sorti des clous qu'il mit entre ses doigts, et attendit le signal entre les deux fenêtres.
Enfin, Jin frappa à la porte en titubant, simulant l'ivresse. Un homme musclé à l'air peu aimable ouvrit la porte, et s'apprêta à la refermer aussitôt, mais Jin la bloqua du pied. Alors que Chang essayait d'écarter discrètement les volets pour entrer par derrière, Wu Yin Lao, vêtu d'un costume gris, à la longue barbe blanche et aux ongles acérés, se retourna en le désignant du doigt. Tout alla alors très vite. Oli Pang cloua les branches devant les fenêtres, les soulevant avec le pied et plantant les clous au vol, à une telle vitesse qu'il semblait avoir plus de deux mains. Weng mai sauta dans la cheminée et atterri dans la pièce dans une pose travaillée, un dao dans chaque main. Jin, lui, s'affala sur le montant de la porte, interprétant son rôle à merveille. Enfin, voyant qu'il était repéré, Chang alluma une flamme et souffla de toutes ses forces, défonçant les volets et la fenêtre devant lui et la table derrière, renversant l'un des deux hommes en noir. Weng Mai s'empressa de le découper avec une effrayante facilité. Chang lança une aiguille dans le genoux de Wu Yin Lao, qui se mit à saigner et cria de douleur. Oli Pang se jeta dans la pièce et lança une poignée de clous en l'air, avant de les frapper avec le pommeau de son outil pour les projeter sur le second homme en noir, et lui crever les yeux. L'homme baraqué essaya de frapper Jin, mais fut complètement surpris de le voir s'écarter brusquement, et se retrouva en mauvaise posture ; Jin voulut alors l'achever et dégaina son énorme éventail, prêt à frapper de toutes ses forces, mais lors de son coup son éventail heurta le montant de la porte et son manche se brisa. Cet homme tomba à terre à peine quelques secondes plus tard, alors que Wu Yin Lao buvait une potion et disparaissait à la vue de tous ! Cependant, des gouttes de sang permettaient de le localiser grossièrement, et Weng Mai effectua des moulinets avec ses armes dans la zone ; Chang se joint à elle en envoyant des aiguilles dans cette direction, leur donnant un effet qui permettait de ne pas blesser son alliée. Rapidement, Wu Yin Lao réapparut sous une table, une aiguille plantée dans la main, le visage crispé par la douleur et la peur.
Menacé par les quatre héros qui jouaient avec leurs armes sous son nez, cloué au mur par Oli Pang, il leur indiqua le venin de serpent sur une étagère, et les parchemins volés dans le tiroir de la table. Une fouille de la maison leur permit de trouver quelques ingrédients curieux, et un contrat passé avec un certain Kuo Yu Chui
(Limace Baveuse), à
Handan (capitale du Zhao). Oli Pang trouva également un bang
(bâton de combat) et un costume classique de qualité. Il finit de fabriquer une caisse autour de Wu Yin Lao, et ils revinrent à Li Hua, Jin et Weng Mai la portant sur un brancard improvisé, sautant d'arbres en arbres.
Ils s'arrêtèrent d'abord chez Ren Yao, qui décida de ne pas vraiment soigner Wu Yin Lao, reconnut le venin de serpent, et identifia les produits trouvés comme étant un onguent réparateur pour les plantes, et un produit neutre prêt à être absorbé par les arbres. Puis, ils se rendirent chez Shu Ying, qui les remercia, et mis Wu Yin Lao sous surveillance. Shu Ying leur expliqua que l'alchimiste allait être jugé le lendemain.
Après une nuit de repos bien mérité et un agréable petit déjeuner à l'auberge, ils allèrent chez Shu Ying, qui leur demanda d'être Conseillers lors du jugement, et leur donna l'écharpe correspondante. A l'heure du Cheval
(11h00), les quatre héros rejoignirent la place du village, les gens s'écartant respectueusement sur leur passage. Ils prirent place à gauche de Shu Ying, sur les sièges qui leur étaient destinés, sur une estrade. A sa droite, se tenaient Ren Yao, le moine, un représentant du village voisin et moi-même. Wu Yin Lao fut amené sur un joug, alors que la foule se pressait autour de l'estrade, lui lançant des regards haineux.
Shu Ying commença par récapituler les faits, puis demanda l'avis de chacun, en commençant par les personnes à sa droite. Ren Yao confirma son avis sur le poison, le moine demanda à ce que justice soit rendue afin de préserver l'harmonie du village, et le représentant du village voisin précisa que l'accord entre Wu Yin Lao et des gens de la capitale aurait du être signalé. Puis, Shu Ying se tourna sur sa gauche. Chang chanta un poème à propos des évènements, Jin montra le contrat et le venin, et une voix qui semblait venir d'ailleurs déclara : "Coupable !". Oli Pang et Weng Mai confirmèrent ensuite. Wu Yin Lao fut déclaré coupable à l'unanimité, et la foule commença à lui jeter des pierres et des légumes. Shu Ying le condamna à être envoyé dans un camp de travail à Handan.
L'estrade fut remplacée par des tables, et une heure plus tard un banquet était servi, chacun amenant un plat, et la li jiu coulant à flots, une fois la prière du moine récitée. Tous les habitants du village levèrent leur verre aux héros et applaudirent. Au cours du repas, Shu Ying leur expliqua que le village n'était pas très riche, mais qu'il leur proposait la récompense suivante : un cheval chacun, auquel ils devront donner un nom comme le veut la coutume au Zhao, et un chariot rempli d'eau-de-vie de poire. Les héros le remercièrent de tant de générosité, et finirent tranquillement le repas.
L'alcool coule,
Le courage se révèle,
La confiance nait.
Le chemin s'ouvre,
Les flûtes jouent,
L'aventure appelle.
La richesse grandit,
Le monde s'éclaire,
La légende débute.
Premier Tome des manuscrits de Tiao
HRP : bon, voilà, on a joué la première séance de Qin hier, et donc c'est le résumé ; je vous rassure, les seuls trucs intéressants pour la suite sont soulignés et en gras, les trucs juste soulignés n'étaient importants que pour cette aventure. J'attends avec impatience les remarques et commentaires des joueurs présents hier.
Combien de temps les PJ vont-ils garder un chariot d'alcool ?
Est-ce bien raisonnable de suivre les visions d'un aveugle ?
Les joueurs doivent-ils mal prendre le titre de la campagne ?
Les réponses (ou pas) dans les prochaines aventures.
Là c'est le moment de placer l'inévitable :
A suivre.